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[DOSSIER THÉMATIQUE] Reprendre une entreprise familiale

12/06/2020
Jérôme Benaïnous

Pourquoi reprendre une entreprise familiale ?

La reprise d’une société familiale ne doit pas se faire pour de mauvaises raisons. Si vous vous sentez contraint de succéder à un parent, tout en doutant de vos capacités à bien gérer l’entreprise à céder, ce n’est pas la peine de la reprendre. En effet, cela implique qu’une énorme pression extérieure constitue votre principale motivation. De même, si le dirigeant a du mal à décrocher et à céder les rênes, cela peut entraîner des conflits familiaux et professionnels difficiles à résoudre.

En revanche, si vous êtes créatif, avec une vision sur le développement de l’entreprise dans le futur (d’ici 5 ou 10 ans), et que vous vous sentez légitime dans vos fonctions de futur chef d’entreprise, vous pourrez vous lancer. Il est important de s’assurer que la transmission se fait dans des conditions sereines, et que les relations familiales ne vont pas gâcher les changements professionnels prévus.

Si vous êtes parti sur de bonnes bases relationnelles, et possédez les qualités professionnelles requises pour diriger une entreprise, vous pouvez profiter des avantages de la reprise d’une affaire familiale. En général, la transmission bénéficie au cédant et au successeur, avec une négociation franche et loyale. Une entreprise familiale est souvent exempte de vices cachés, car le successeur connaît déjà son fonctionnement. Enfin, une affaire dirigée par la même lignée réussit mieux à fidéliser ses employés.

Les défis à gérer lors de la reprise d’une entreprise familiale

Pour bien préparer la transmission d’entreprise, il faut anticiper plusieurs aspects du changement.

Pour le cédant : il doit être capable de lâcher la barre une fois le moment venu, tout en sachant assister le repreneur durant les premiers moments. Il peut devenir salarié de son ancienne entreprise ou proposer ses services en tant que conseiller.

Pour le repreneur : il doit être capable d’asseoir son autorité, faire preuve de compétence et nouer une relation de confiance avec l’équipe de l’entreprise. Cela implique un accompagnement de la part du cédant, mais le successeur peut également suivre une formation spécifique s’il en ressent le besoin.

Pour les salariés : ils doivent s’adapter aux changements occasionnés par la reprise, notamment le management exercé par la nouvelle direction, ainsi que de nouvelles méthodes de travail prévues dans le plan de reprise, le cas échéant.

Avantages fiscaux de la transmission d’entreprise

Les chefs d’entreprise peuvent céder ou transmettre leur entreprise, avec un prix de cession ou gratuitement. Dans le cas d’une transmission à titre onéreux, c’est-à-dire la vente de l’entreprise ou des parts de la société familiale, la transaction peut faire l’objet d’exonérations. Ces avantages fiscaux dans le cadre d’une cession profitent surtout au cédant, sous certaines conditions.

Exonération des plus-values de cession

Elle concerne les entreprises dont la valeur est inférieure à 500 000 euros et qui rentrent dans la catégorie des PME. Il doit donc compter moins de 250 salariés et présenter un CA de 50 millions d’euros HT ou un bilan de 43 millions d’euros HT.

Il peut s’agir de :

  • Une entreprise individuelle soumise à l’impôt sur le revenu et exerçant une activité agricole, commerciale, artisanale ou libérale ;
  • Une branche d’activité ;
  • Des droits ou parts de société ;
  • Une activité de location-gérance.

L’entreprise à reprendre peut bénéficier d’une exonération totale des plus-values si sa valeur est inférieure ou égale à 300 000 euros. Si sa valeur se trouve entre 300 000 euros et 500 000 euros, l’exonération sera partielle. Notons que le cédant doit avoir exercé l’activité depuis au moins 5 ans.

Exonération des plus-values au titre du départ à la retraite

Cette exonération concerne la cession totale d’une entreprise individuelle, des parts d’une société dans leur intégralité, ou d’une société de personne. Dans ce dernier cas, la cession de tous les actifs doit s’accompagner de la dissolution de la société.

Pour bénéficier de cette exonération, l’entreprise doit également être une PME et le cédant doit remplir les conditions suivantes :

  • Avoir exercé l’activité pendant au moins 5 ans ;
  • Détenir moins de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de l’entreprise. Autrement dit, il ne doit pas contrôler l’entreprise au moment de la cession ;
  • Arrêter toute fonction dans la nouvelle entreprise après la cession ;
  • Partir à la retraite 2 ans avant ou après la transmission de l’entreprise.

Il s’agit d’une exonération d’impôt, les plus-values restent soumises aux prélèvements sociaux.

Exonération des plus-values en fonction des recettes

Ce dispositif concerne les entreprises à reprendre qui exercent des activités industrielles, artisanales, agricoles, commerciales ou libérales. Pour en bénéficier, le cédant doit avoir exploité l’entreprise pendant au moins 5 ans.

L’exonération est totale si les recettes ne dépassent pas 90 000 euros HT pour les prestataires de services et 250 000 euros pour les exploitants agricoles, les entreprises industrielles et commerciales de fourniture de logement (sauf la location en meublé). L’exonération est partielle si les recettes ne dépassent pas 126 000 euros pour les prestataires de services et 350 000 euros pour les autres entreprises.

Calcul des droits de succession

La transmission d’une entreprise familiale à titre gratuit bénéficie d’un régime particulier concernant les droits de succession. Il peut s’agir de donation ou de succession.

Grâce au dispositif Dureil ou Pacte Dutreil, les entreprises à reprendre peuvent bénéficier d’une exonération des droits de mutation jusqu’à 75 %. Ceci concerne les entreprises exerçant une activité agricole, commerciale, artisanale, industrielle ou libérale. Pour bénéficier de cette exonération, il faut remplir plusieurs conditions.

Conditions d’exonération pour la transmission de titres de société

En premier lieu, le donateur et ses donataires ou héritiers doivent s’engager à conserver les titres de la société. Cet engagement de conservation court sur au moins 2 ans après la signature de l’acte notarié ou l’enregistrement fiscal de l’acte de transmission. Les personnes concernées doivent conserver au moins 34 % des droits de vote et 17 % des droits financiers sur les titres de la société s’il s’agit d’une société non cotée. Dans le cas d’une société cotée, l’engagement porte sur au moins 20 % des droits de vote et 10 % des droits financiers.

Le successeur (donataire, légataire, héritier ou l’un des signataires de l’engagement collectif) qui reprend la société doit par ailleurs assurer la direction de l’entreprise pendant les 3 ans qui suivent la signature de la transmission.

Enfin, chaque légataire, donataire ou héritier doit s’engager individuellement à conserver les titres qui lui ont été transmis pendant au moins 4 ans. Cette durée court à partir du moment où l’engagement collectif s’achève.

Conditions d’exonération pour la transmission d’une entreprise individuelle

Tout comme dans le cadre de la transmission de titres, les successeurs doivent également s’engager à conserver l’entreprise. Ainsi, chaque héritier, donataire ou légataire doit s’engager à garder l’entreprise pendant au moins 4 ans, à compter de la date de la transmission. Cet engagement doit être clairement exprimé dans l’acte de donation ou la déclaration de succession. Le successeur doit par ailleurs s’engager à exploiter l’entreprise au minimum pendant les 3 ans qui suivent la transmission. Enfin, le donateur ou légataire doit avoir détenu l’entreprise depuis au moins 2 ans.

Ainsi, il existe divers avantages fiscaux selon le mode de transmission choisi. Reprendre une société familiale gratuitement dans le cadre d’une donation ou d’une succession fait bénéficier d’un abattement sur les droits de succession, tandis que la reprise à la suite d’une cession donne droit à des exonérations d’impôts.

Pour connaître l’éligibilité de l’entreprise, établir sa valeur et ses plus-values qui servent de base pour calculer les exonérations, pensez à consulter un expert-comptable. Il peut également vous accompagner durant les différentes étapes pour reprendre l’entreprise familiale.

Étapes à suivre pour réussir la reprise

Que vous soyez acquéreur ou successeur à titre gratuit, il faut s’efforcer de rester objectif, et se positionner comme un repreneur d’entreprise extérieur à la famille. Même si vous croyez bien connaître l’entreprise en question, il faut respecter certaines étapes afin que la reprise d’un fonds ou d’une entreprise s’effectue dans les meilleures conditions.

Préparez-vous

Remettez-vous en question et soyez sûr d’être motivé pour le projet de reprise. Pour réussir, vous aurez peut-être besoin d’effectuer un bilan de compétences et de suivre une formation, notamment dans le cas où l’opération de reprise constitue pour vous un changement d’activité.

Obtenez un diagnostic complet de la situation de l’entreprise

Réalisez un audit d’acquisition. Vous devez bien connaître l’activité, les ressources, les produits, le nombre de clients et le positionnement sur le marché, la comptabilité, les aspects juridiques et financiers, ainsi que les détails de la stratégie de l’entreprise (qualité, gestion des risques, politique environnementale, etc.) avant de la reprendre. Pour cela, il est indispensable de faire appel à un expert-comptable et un juriste/avocat afin d’établir les comptes de la société, sa situation légale et les éventuels litiges en cours.

Par ailleurs, effectuez une étude de marché pour établir la rentabilité de l’entreprise dans le futur. Bien entendu, il n’y a aucun intérêt à s’embarquer dans une activité vouée à l’échec. Établir la situation de l’entreprise ainsi que sa force (et ses faiblesses) face au marché vous permettra d’ajuster votre stratégie de développement dans la gestion d’entreprise.

Estimez la valeur de l’entreprise

Il existe deux façons de valoriser une entreprise : l’approche patrimoniale et l’approche de rendement.

La première approche consiste à évaluer la situation nette de l’entreprise. Pour ce faire, il faut calculer la valeur des actifs de l’entreprise, c’est-à-dire les éléments qu’elle possède, puis en déduire ses dettes. C’est la méthode couramment utilisée pour estimer la valeur d’une entreprise dans le cadre d’une liquidation.

L’approche de rentabilité consiste pour sa part à évaluer la valeur de l’entreprise en fonction de sa capacité à dégager des bénéfices dans le futur. Bien entendu, cette approche intègre également le risque de non-réalisation de l’objectif lors des calculs. Elle permet au repreneur de se projeter dans le futur.

Évaluer la valeur d’un bien peut s’avérer complexe pour le cédant ou légataire et le repreneur. Afin d’obtenir un rapport objectif et fidèle à la réalité, il est important de faire appel à un spécialiste, notamment un expert-comptable rompu aux subtilités des cessions et reprises d’entreprise.

Choisissez le mode de transmission

La reprise d’une entreprise familiale peut se faire par succession, donation ou cession. Celui qui part et son repreneur doivent s’accorder sur le mode opératoire. Dans ce contexte, il faut prendre en compte la présence d’autres héritiers. En effet, si le repreneur est le seul héritier et que la reprise est gratuite (donation ou succession), la valorisation aura pour principal objectif de se conformer aux exigences de l’administration fiscale. Autrement dit, le chiffre indiqué a peu d’importance puisque la reprise se fait à titre gratuit et ne risque de léser personne.

En revanche, s’il existe plusieurs héritiers successeurs, plusieurs héritiers, mais un seul repreneur ou bien des donations antérieures, la valorisation de l’entreprise doit se faire de la manière la plus sincère possible. Ceci afin qu’aucune des personnes ou parties concernées ne soit lésée. C’est seulement après l’évaluation et la prise en compte de toutes les opérations antérieures que vous pourrez fixer le mode de transmission et la manière de compenser les intérêts des autres héritiers.

Clarifiez les conditions de la reprise

En tant que donataire ou légataire, le repreneur devra gérer à la fois les responsabilités au sein de l’entreprise et celles concernant la famille. Pour éviter tout amalgame d’autorité tout en respectant les valeurs entrepreneuriales de la famille, pensez à établir une charte familiale. Celle-ci limitera les responsabilités et valeurs concernant la famille et l’activité professionnelle.

De même, il faudra prévoir en amont le rôle que tiendra désormais le cédant. En principe, il doit accompagner le repreneur et l’aider à prendre les rênes de l’entreprise en toute confiance. Afin d’éviter les problèmes de lâcher-prise, il est important de mettre en place dès le départ un accord pour bien déterminer le rôle de chacun. Dans tous les cas, la présence du cédant devrait se limiter à l’accompagnement. Autrement, la confusion va régner dans l’entreprise et ses salariés.

Réalisez la reprise et signez la transmission définitive

Le cédant et le repreneur doivent s’accorder sur les points suivants :

  • Les délais et conditions de la reprise ;
  • Les termes du protocole d’accord ;
  • Le prix de la cession s’il s’agit d’une transmission à titre onéreux ;
  • L’accompagnement du repreneur.

Une fois ces conditions établies, les deux parties peuvent préparer le dossier de reprise et procéder à la signature des documents nécessaires pour une transmission définitive : acte de cession, acte de donation ou déclaration de succession selon le mode opératoire choisi.

Si vous le souhaitez, vous pouvez vous faire accompagner par notre cabinet d’expertise comptable, qui saura vous conseiller dans les démarches et précautions à respecter.

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Jérôme Benaïnous
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Jérôme Bénaïnous est expert-comptable et commissaire aux comptes diplômé de Paris Dauphine. Il a reçu le Prix du meilleur mémoire d’Expert-comptable d’Île-de-France. Il a exercé en tant que Directeur de mission chez Ernst & Young, un des plus importants cabinets d’audit financier et de conseils, avant de s’installer.
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